Les images de Jean-Claude Martinez nous parlent, depuis plus de trente ans et autant de « voyages » en terre occitane ou un peu plus loin, elles nous racontent la lumière, le climat, la vie de la rue, le travail, les jeux de ces pays latins qu’il traverse, les petites histoires quotidiennes de cette culture qui est la nôtre et que l’on s’approprie encore davantage devant ces clichés intelligents et attachants.
Le photographe bouleverse à l’envie son approche du sujet, ses angles de vue, variant sur les contrastes, les paradoxes s’amusant des surprises qu’ils engendrent et des émotions qu’ils éveillent : l’étang de Thau, si familier, avec ses parcs à huîtres et ses pêcheurs, acteurs improvisés d’un huis clos envoûtant le temps d’une séance de portraits ; les jeux d’eaux insouciants et joyeux des enfants du Cap Vert qui semblent défier la dureté des paysages arides et la rudesse d’une vie difficile ; la lutte perpétuelle sur les plages lusitaniennes de l’océan et des hommes qui s’affrontent , fracas, énergie, tensions font face à la patience muette, à la résignation immobile des femmes, lues comme autant de sillons creusés au plus profond d’un visage qui parle en silence du renoncement.
Photographe nomade, promeneur inlassable est lui aussi un guetteur d’instants. Il offre au spectateur, son complice, une autre vision du monde. A travers son prisme, l’observateur dérobe quelques bribes d’intimité, vole quelques grammes de dérisoire d’insolite parfois.
Les images captent des gestes bénins, infimes, inaperçus de la vie quotidienne, à la spontanéité et la fraîcheur de leur auteurs, il transpose une situation du champ de la banalité à celui du singulier. De triviale, ordinaire elle mute et se transforme en une image à la fois unique et digne d’intérêt. Le trop évident devenu invisible, l’insignifiant sans importance, sans attrait particulier bascule tout à coup dans une dimension perceptible et cohérente. L’attraction est là, soudain, contenue dans un tirage noir et blanc. C’est d’ailleurs dans cette façon à la fois très directe et discrète, d’appréhender le réel que son travail se situe dans la lignée de ces « maîtres » de la photographie.
Anne Bousquet